M.M. Faiseur d’histoires – Ateliers d’écriture

Les démons de minuit

Deux soirées en boîte de nuit, quatre personnages

Deux classes du Lycée d’Artois de Noeux-les-Mines, deux nouvelles !

Au rythme de la nuit, la mort s’engage…

(Un samedi soir, au Nght Club Five…)

écrite par les 1COM1

&

Sans (re)père

écrite par les 1GA

Lycée d’Artois de Noeux-les-Mines – promotion 2014 – 2015

avec Christian Quennehen – professeur

et Michaël Moslonka – écrivain / MM Faiseur d’histoires

Au rythme de la nuit, la mort s’engage…

Un samedi soir, au Night Club Five…

Par les 1COM1 du Lycée d’Artois de Noeux-les-Mines

Introduction :

Une étoile, une larme…

Selon une légende très ancienne, la première étoile qui apparaît dans le ciel, tous les 150 ans, serait magique. Elle aurait le pouvoir de ressusciter une personne assassinée. Le caveau de celle-ci peut s’ouvrir et le défunt revenir à la vie, si, au même moment, les larmes d’une jeune femme vierge tombe sur sa sépulture. Le ressuscité aura alors le privilège de régler ses comptes durant 666 jours.

666 jours pour rendre le mal par le mal.

Certaines victimes n’attendront pas autant de temps pour se venger.

Chapitre 1

DJ Papy

Cette nuit, ce sont les dix ans du Night Club Five. Pour fêter cet anniversaire, le directeur de cette boîte de nuit a décidé d’organiser une soirée spéciale. Il y a beaucoup de monde. La musique est forte, tous les fêtards dansent sur la piste. Il y a surtout des jeunes, mais aussi quelques adultes qui sont, parfois, venus de très loin pour assister à l’événement.

La musique résonne dans la boîte de nuit. Des jeux de lumières de toutes les couleurs illuminent la piste. DJ Papy – Alphonse, de son prénom – enflamme la piste de danse avec de la musique de jeunes. Il a 69 ans, il est vêtu d’un pantalon en jeans, d’un t-shirt sur lequel se trouve le visage d’une star très connue du moment et d’un blouson en cuir. Ses cheveux blancs sont plaqués en arrière et sa figure est mangée par une barbe de trois jours. Les personnes venues à cet événement se sont habillées de la tête aux pieds avec des vêtements fluorescents. Tout le monde danse comme des fous. De temps en temps, de la fumée épaisse plonge la salle dans un épais brouillard.

– TSUNAMI DE FUMÉE !! s’écrient alors les fêtards.

Pour l’occasion, une dizaine de strip-teaseuses ont été engagées pour un show. Certaines personnes, totalement ivres, tentent de flirter avec elles. La soirée continue, la musique est de plus en plus forte et les danseurs se déchaînent sur la piste sous l’œil amusé de DJ Papy.

Devant ses platines, le vieil homme bouge et chante. Il se met à postillonner dans son micro :

– J’me présente, je m’appelle DJ Papy, j’voudrais bien conquérir la boîte de nuit ! Être aimé pour avoir tous vos baisers !

– Tu nous fais rire ! applaudissent les danseurs.

– Alors on est chaud, ce soir ? leur demande le vieux. On va s’ambiancer et se défoncer toute la nuit ?

– OUAAAAIIIIIISSSS !!!!!!!!! DJ PAPY !!!!! hurlent, tous ensemble, les fêtards. T’ES UN OUF !!!!!!!!!!!

Tout d’un coup, Alphonse quitte ses platines et se dirige vers une fille.

– Hey ! poupée, lance-t-il, sûr de lui. Je t’ai remarqué depuis tout à l’heure, tu me fais d’l’effet. Ça te dirait un panaché ?

– Eh, DJ Papy ! s’exclame la fille. Tu mixes bien, mais va mixer ailleurs !

Et elle part dans une autre direction. Énervé, DJ « Papy » se tourne vers d’autres gonzesses. Pendant ce temps-là, les bambocheurs s’amusent au son de sa playlist. DJ Papy s’incruste parmi eux en faisant le mariole. Il commence la danse du lasso tout en s’approchant d’une nana qui le regardait. Elle lui adresse un signe de la main, éclate de rire puis s’en va dans une autre direction.

Jamais deux sans trois !

Un groupe d’adolescentes s’avancent pour lui parler. Un espoir fou naît chez Alphonse.

Je vais me taper l’une de ces meufs ! jubile-t-il.

Il se rapproche d’elles.

– Il n’est pas l’heure de dormir, grand-père ? lui glissent-elles, alors, à l’oreille, avant de partir en ricanant. Espèce de vieux pervers, va !

Très en colère, Alphonse décampe vers le bar en bousculant tout le monde. Au passage, il renverse les consommations de certains danseurs. Des verres tombent et explosent au sol. Sa playlist cesse de fonctionner, à ce moment précis.

* * *

Alors qu’il est en congé depuis quelques jours, Enzo décide d’aller faire un petit tour, seul, au Night Club Five où il travaille comme videur. Enzo a vingt ans et on le remarque facilement grâce à son t-shirt qui fait ressortir sa musculature impressionnante. Mais derrière cette carapace de muscles, se cache quelqu’un de tendre et d’un peu timide. Il a la tête remplie de problèmes, il est venu pour décompresser. En effet, sa famille est sur son dos et les problèmes financiers le guettent.

Il entre dans la boîte de nuit en saluant ses collègues puis va se commander un whisky coca au bar.

Une fois servi, verre à la main, il se retourne pour regarder la piste de danse. Il y repère aussitôt de très jolies filles. Il finit son whisky cul sec puis se dirige vers elles et les accoste. En voyant arriver ce bel homme, les filles gloussent en se trémoussant de joie. Après quelques minutes de discussion, il leur propose de poursuivre la conversation autour d’un verre. Elles acceptent avec joie. Dans la seconde qui suit, ils vont vers le bar. Excité, Enzo demande au barman de les servir immédiatement. Le petit groupe discute une vingtaine de minutes. Vingt minutes durant lesquelles les filles minaudent, à tour de rôle, pour tenter de le séduire.

Tout à coup, la musique se coupe et le jeune homme entend des bruits de verres éclater ainsi que des cris. Il abandonne les jeunes filles pour aller voir ce qui se passe. Les bruits viennent de la piste de danse.

Une fois arrivé là-bas, Enzo découvre Alphonse en train de hurler sur un groupe de filles. Apparemment, elles auraient refusé de lui donner leur numéro de téléphone et l’auraient traité de vieux pervers. Au milieu de ses explications, le DJ trébuche sur de l’eau renversée et tombe sur les fesses. Il se met à pleurer et à se rouler au sol. Enzo le remet debout et le calme.

– Qu’est-ce que tu fais, là, toi ? s’exclame Alphonse. Tu n’es pas en repos ?

– Si, répond Enzo, mais je suis venu draguer quelques filles.

Subitement, il repense à celles qu’il a laissées pour venir le calmer. Il les rejoint donc en abandonnant le vieil homme à ses caprices.

– Eh ! Mais où vas-tu, gamin ? lui demande DJ Papy.

Les bambocheurs réclament alors à corps et à cris « la bonne musique d’Alphonse » !

La fête reprend cinq minutes après.

* * *

Une fois la musique relancée, DJ Papy quitte sa platine pour se rendre aux toilettes. Mais il se trompe et entre dans celles des femmes où il repère une jolie blondinette. La demoiselle est en train de se passer un coup d’eau sur le visage. Ensuite, elle prend du papier dans le distributeur pour s’essuyer la figure avant de se remaquiller.

Cette blondinette ressemble fortement à mon ex-copine de jeunesse, réalise Alphonse avec un sourire vicieux.

Et le voilà qu’il commence un twerk au milieu des toilettes au rythme de la musique Anaconda de Nicki Minaj que l’on entend en arrière-fond.

– Tu viens danser ? demande-t-il à la blondinette. J’trouve ce son hyper bon pour se déhancher ! Pas toi ?

Pensant que c’est une blague, la fille lui répond négativement.

Mais, tout à coup… un garçon entre !

– Que faites-vous, ici ? demande-t-il aussitôt à DJ Papy.

– Je vous retourne la question, réplique ce dernier avec un sourire narquois.

– Je viens voir si ma copine a fini, et vous ? lui dit le compagnon de la fille.

– Je suis le DJ ! Il faut que je me dépêche ! Et comme il y a une queue aux toilettes des hommes, je suis venu faire pipi, ici.

Très vite, il vide les lieux, en s’excusant.

Au moment où la fille et son copain quittent les toilettes, le DJ les suit discrètement.

La blondinette et son copain se dirigent vers le bar. Ils s’assoient tranquillement et commandent une boisson au serveur. Leur verre fini, le garçon demande à sa petite-amie si elle veut aller danser.

– Oui, mais je ne me sens pas bien pour l’instant. Je te rejoins dans quelques minutes.

DJ Papy qui observe la scène de loin, s’approche d’elle et s’excuse de l’avoir dérangée dans les toilettes. Il souhaite lui offrir un verre. La blondinette accepte en remerciant sèchement le vieil homme puis se détourne de lui pour s’intéresser à son copain qui danse. Celui-ci lui fait signe de le regarder.

Pendant ce temps-là, Alphonse en profite pour mettre de la drogue dans le verre de la fille. Quand elle commence à planer, il l’emmène dans l’arrière-cour de la boîte de nuit, à l’abri des regards indiscrets.

* * *

Dans l’arrière-cour, des bennes débordent de détritus et des sacs remplis d’ordures traînent au sol. Des chats se battent et mangent dans les poubelles. DJ Papy attache la demoiselle au pied de la benne à ordures et sort un pistolet semi-automatique équipé d’un silencieux, de son blouson en cuir. Puis il abat la fille d’une balle dans la tête, pile entre les deux yeux.

Quelques secondes après, l’assassin jette le corps de la jeune fille dans la benne. Au même instant, l’amoureux de la blondinette sort de l’ombre et se met à applaudir. DJ Papy le regarde avec un léger sourire et lui dit :

– C’est bon, le travail est fait et sans problème. Quand je vous dis que je suis un professionnel, vous pouvez me croire !

Chapitre2

Ambre

Ce soir-là, toutes les filles de l’appartement 13 sont dans leur salon à regarder un film d’horreur. Comme à son habitude, Ambre, jeune femme de 20 ans, ne fait pas comme les autres. En effet, à cause d’une grande solitude amoureuse, elle surfe sur son site de rencontres pour essayer de trouver Le prince charmant.

– Pourquoi suis-je rousse ? gémit-elle, désespérée, en frottant ses grands yeux bleus avec ses longs doigts vernis. Je devrais peut-être songer à me faire une teinture, je trouverai sûrement l’homme qui me convient.

Son corps de mannequin est la seule chose qui ne cloche pas chez elle.

L’une de ses amies l’appelle :

– Ambre, dépêche-toi ! Le film va recommencer !

Mais la jeune fille, perdue dans ses pensées, n’en fait rien. Une autre, impatiente de s’installer devant Freddy et les griffes de la nuit, court la chercher. Elle ouvre brusquement la porte de la chambre et lui hurle :

– Ambre, arrête avec ton ordinateur et viens avec nous !

– OK, j’arrive ! lui crie Ambre.

Elle éteint son ordinateur et se précipite dans la cuisine pour préparer le pop-corn. Une fois que celui-ci est prêt, elle rejoint ses quatre colocataires dans le salon où le DVD a déjà commencé.

– Vous aviez promis de m’attendre ! se plaint-elle.

Il y a une blonde aux cheveux courts, une brune aux cheveux longs, une rousse avec un carré aux cheveux frisés et une quatrième aux cheveux blonds foncés, bouclés, qui lui descendent jusqu’à la taille. Toutes les quatre sont mannequins depuis cinq ans.

– Je t’ai appelée plusieurs fois, lui rappelle Élisabeth, la jeune brune. Mais tu préfères rester sur ton site de rencontres.

* * *

Ambre est enfin assise dans son fauteuil en train de regarder le film. La peur s’empare petit à petit d’elle. Sur l’écran de la télévision, une demoiselle se fait sauvagement découper par des griffes, quand, soudain, après un blanc intense, la porte du salon claque. Ambre sursaute et pousse un cri effrayant.

Élisabeth se cache et se met à rire. C’est elle qui a claqué la porte – elle voulait faire peur à son amie.

– MAIS TU ES COMPLÈTEMENT MALADE ! hurle Ambre, terrifiée. J’AI FAILLI AVOIR UNE CRISE CARDIAQUE.

Elle se lève tout à coup et donne une gifle à son amie.

Blessée et humiliée par cette claque, Élisabeth se met à pleurer.

– Roh, c’est bon !, intervient l’une des autres filles. C’était juste une plaisanterie…

Ambre, énervée par cette mauvaise blague, prend son manteau et sort faire un tour. Elle décide d’aller en boîte de nuit pour s’aérer l’esprit. Sur la route, elle passe par un cimetière, car ce chemin est plus rapide pour arriver au Night Club Five. Ce cimetière est à quelques minutes de son appartement.

* * *

Ambre marche doucement à l’intérieur du cimetière. Cette nuit, c’est la pleine lune. Le ciel est dégagé autour de celle-ci. La jeune fille est encore très énervée. Déboussolée, elle ne cesse de penser à la dispute qu’elle vient d’avoir avec ses amies.

Elle regarde les tombes lorsqu’elle aperçoit, au loin, un immense mausolée qui l’intrigue. Un frisson lui effleure la peau. Elle avance, très curieuse, vers ce grand et sombre édifice.

Elle monte les marches du tombeau. La porte est entrouverte. Elle la pousse et celle-ci grince bruyamment. Tout à coup, une chauve-souris s’échappe en la griffant. Ambre est effrayée, mais elle décide d’entrer tout de même dans le tombeau. Un nuage s’écarte, et la première étoile de la nuit apparaît au moment où la jeune femme disparaît à l’intérieur du caveau.

***

Ambre avance dans l’obscurité. Ne voyant strictement rien dans cet endroit sinistre, elle décide de prendre son téléphone et d’ouvrir l’application « lampe torche ». Elle attrape la chair de poule lorsqu’elle découvre plusieurs caveaux. Quelque peu apeurée, elle avance dans la pénombre, smartphone à la main. Elle s’approche de ces vieux tombeaux poussiéreux. Elle aperçoit une plaque recouverte de toiles d’araignées. Les poils de ses bras se dressent quand elle découvre les dates de décès :

Jean-François, né en 1825, décédé en 1870.

Marie-Louise, née en 1827, décédée en 1876.

Hugues, né en 1864, décédé en 1876.

– Tu n’avais que douze ans, murmure Ambre avec tristesse en touchant le prénom de l’enfant.

Émue, elle se demande comment un tel drame a pu arriver. Une petite larme coule alors doucement sur sa joue et tombe sur la plaque.

Chamboulée, Ambre décide de partir.

Sa larme qui est restée sur la plaque, glisse lentement le long d’une fente et pénètre dans le caveau pour atterrir sur le bas d’un des trois cercueils.

Chapitre 3

Hugues

Ambre referme délicatement la grille d’entrée du cimetière pour ne pas perturber le silence des défunts. Au moment de se remettre en route pour la boîte de nuit, la barrière grince. Ambre y jette un coup d’œil. Celle-ci est toujours fermée. Elle se retourne et, en face d’elle, un enfant est accroupi, jouant avec deux figurines en bois. Il pose un regard perdu sur elle.

Ne sachant que faire, la jeune fille s’approche lentement de lui et s’aperçoit qu’il porte une chemise tachée de sang séché.

Elle avance doucement vers le garçonnet, lui tend la main. L’enfant lui tend la sienne.

– Bonsoir petit, que fais-tu, seul, ici ?

– J… J’ai.. p… per…du ma… ma…man

– N’aie pas peur, mon garçon, comment t’appelles-tu ?

– Hugues.

– Moi, c’est Ambre. Personne ne vient te chercher ?

Le garçon ne répond pas. Sa petite figure exprime de l’angoisse.

La jeune femme lui demande où il habite, car elle veut retrouver sa famille. Mais il ne lui donne pas de réponse.

– Pourquoi tu saignes, tu es blessé ?

– Je ne sais pas…

– Que s’est-il passé ? Le sang t’appartient-il ?

– Je ne sais plus…

– Tu as un endroit où aller ?

– Non…

– Tu veux venir à la maison ? Te débarbouiller ? Ensuite, je t’amènerai au commissariat.

L’enfant hésite, puis acquiesce lentement et suit Ambre. Ambre qui n’a pas fait le rapprochement avec ce qu’elle a lu dans le grand mausolée du cimetière…

* * *

Hugues se tient, immobile, au milieu du parking du Night Club Five. La foule, attendant d’entrer dans la boîte de nuit, parle bruyamment. L’enfant est figé… Tous ces bruits, toutes ces lumières et tout ce monde l’effrayent. Il veut reculer, mais une voix dans sa tête lui dit d’avancer.

Cette voix de femme lui semble familière…

Il décide alors de lui obéir.

Lentement, il se dirige vers l’entrée de la boîte de nuit.

– Qu’est-ce que tu fais là, mon petit ? lui demande-t-on une fois parvenu devant la porte.

En levant la tête, il voit un homme en blouson noir, avec des jeans et de grosses bottes, qui le regarde.

Terrifié, Hugues essaye de pousser un cri, mais il n’y arrive pas.

Pris de peur, il s’enfuit jusqu’à une ruelle située à l’arrière du night-club où il se cache, à l’abri, derrière une poubelle.

La voix lui demande de regarder dans la benne à ordures, à côté de lui. Hugues fixe celle-ci puis il l’ouvre et y trouve le cadavre d’une femme. La voix persévère, mais, cette fois-ci, elle lui dit : « L’homme qui est responsable de ça est un horrible monstre ! »

Tout à coup, il découvre une fenêtre avec de la lumière. Elle l’attire…

« Entre », lui dit la voix si familière.

Hugues monte sur une poubelle. Il pousse les vitres entrouvertes et tombe dans les toilettes de la discothèque.

* * *

Hugues, en passant la porte des toilettes, entend aussitôt des bruits assourdissants et une lumière aveuglante lui heurte le visage. Il est perdu, désorienté. Autour de lui, les gens se demandent ce qu’un gosse fabrique là ! Il ne fait pas attention à leurs gestes et va se blottir dans un coin où il se bouche les oreilles tout en regardant ces personnes danser.

Il a les yeux écarquillés, et se demande ce qu’ils font.

Où est-il, donc ?

L’enfant finit par se calmer et regarde les différentes personnes qui dansent ensemble.

Cela lui rappelle les bals qui existaient avant sa mort.

Sa mort ? Il serait mort…

Le petit garçon commence à pleurer en repensant à ce qu’il a vécu quand il était vivant. Alors, la voix dans sa tête lui dit de se lever et de retrouver le meurtrier de la femme. L’enfant ne comprend toujours pas qui lui parle. Il regarde toutes les personnes autour de lui, mais ne voit pas à qui celle-ci pourrait appartenir. Puis il comprend que la voix qui lui parle est celle de sa mère.

Une fille s’approche alors de lui.

– Qu’est-ce que tu fais là, toi, tout seul ? lui demande-t-elle. Qu’est-ce qui t’arrive ?

* * *

Alphonse est en train de mixer quand soudain il aperçoit l’enfant avec la fille. Il reste figé à sa vue, ébahi, les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte. Remis de sa surprise, il laisse tomber son mixage et fonce vers eux.

Cherchant un moyen de se débarrasser de la fille, DJ Papy lui dit qu’un beau brun lui fait de l’œil depuis le début de la soirée et il lui conseille d’aller lui parler. De son côté, il s’occupera du petit. Elle n’a pas à s’inquiéter. La fille acquiesce et s’en va rejoindre le garçon.

Le tueur à gages se tourne vers l’enfant.

– Toi !, s’exclame-t-il, le regard stupéfié. Que fais-tu ici ? Mes ancêtres t’ont éliminé ! Tu n’as pas le droit de vivre !

* * *

Enzo voit Alphonse, tout énervé, s’approcher de l’enfant comme s’il voulait le frapper. Il court s’interposer pour défendre le petit :

– Alphonse ! Lâche donc cet enfant ! Il n’a rien fait, le pauvre !

Il prend le vieux, le plaque contre le comptoir du bar. Les gens reculent. Des bouteilles et des verres tombent et se brisent. La foule, alors choquée, se met à marmonner. Personne ne souhaite intervenir pour ne pas se faire frapper.

En colère d’avoir été séparé de l’enfant, DJ Papy décide de frapper le vigile du Night Club Five. De se battre et de se défouler contre lui !

– Tu n’avais pas le droit de faire ça ! s’emporte-t-il en lui donnant un coup de poing.

Les videurs de service interviennent et les séparent. Ils obligent Enzo à quitter la boîte de nuit. Pendant ce temps, d’autres se rapprochent d’Alphonse, mais ils s’arrêtent net, car il dégage quelque chose de malsain et d’effrayant. Alphonse a les yeux rougis par la colère. Son regard part de travers, comme s’il cherchait quelque chose… à tuer. Ils ne l’ont jamais vu comme ça.

DJ Papy glisse une main tremblante dans son dos et sort son pistolet.

– Mes ancêtres ont tué la famille de ce misérable morveux ! hurle-t-il. Je me dois de faire la même chose !

Puis il s’esclaffe :

– C’est une tradition chez nous de tuer !

Il s’arrête de rire, prend un air maléfique en fusillant du regard les gens autour de lui.

– Sa famille était louche…, explique-t-il, il me semble que c’était des sorciers. En tous cas, sa mère et lui n’étaient pas vraiment humains. Ce gosse est mort il y a 150 ans ! Maintenant, écartez-vous de lui et partez ! Ou c’est moi qui vous tuerai tous !

Sauf que l’enfant n’est plus là. Pendant qu’Enzo et lui se battaient, le petit garçon s’est sauvé.

Chapitre 4

Enzo

Alphonse fouille la boîte de nuit à la recherche du petit garçon. De retour sur la piste de danse, persuadé qu’on l’observe, il se retourne… et voit l’enfant qui le fixe. Il se tient derrière le bar, effrayé, le visage crispé.

Fort mécontent, le tueur à gages se précipite vers lui, l’attrape par le bras et le traîne dehors pour l’interroger. Une fois à l’extérieur, il le plaque contre un mur.

– Comment as-tu fait pour renaître ? exige-t-il de savoir. Réponds à ma question !

Enzo arrive alors derrière lui et lui donne un coup de batte de base-ball dans le dos. Alphonse s’écroule en laissant tomber son pistolet.

– Appelez, la police !, crie le jeune homme à ses collègues. Alphonse veut agresser cet enfant !!

Il contemple le vieil homme évanoui à ses pieds, puis se retourne pour rassurer l’enfant, mais celui-ci a disparu.

Enzo le cherche du regard. Aucune trace de lui.

Il fonce alors à l’intérieur du night-club, fouille, à son tour, dans toutes les pièces, mais le garçon reste introuvable… Quand, soudain, dans la ruelle, un coup de feu retentit…

Enzo se précipite au-dehors. Il surgit dans la ruelle et reste figé sur place…

Alphonse est toujours allongé au sol, mais du sang s’étend autour de sa tête. Son pistolet est juste à côté de lui.

– Il s’est réveillé et s’est mis une balle dans la tête ?, murmure Enzo, incrédule. Non, ça ne peut pas être possible… Dans ce cas, qui a bien pu faire ça ?

En relevant les yeux du cadavre de DJ Papy, Enzo voit l’enfant courir vers la ville.

Épilogue

Retour d’entre les morts…

Une semaine plus tard, la mère d’Ambre, inquiète de ne pas avoir eu des nouvelles de sa princesse, décide de se rendre à son appartement.

Elle frappe à la porte, mais se rend compte que celle-ci n’est pas fermée à double tour. Elle l’ouvre et entend seulement le bruit de la télévision. À peine le seuil franchi, une odeur effrayante lui agresse les narines. Elle se dirige vers le salon et se retrouve devant d’immenses mares de sang au milieu desquelles se noient quelques doigts. Elle s’approche d’une autre flaque et y trouve des morceaux d’organes. Plus précisément : des morceaux d’intestins.

Elle recule violemment et manque de glisser sur un œil. Sidérée, prise de haut-le-cœur, elle vomit.

Puis, en relevant la tête, elle aperçoit quatre cadavres entassés sur le canapé. La maman d’Ambre se relève et se précipite vers le groupe de filles… Aucune d’elle n’est sa fille. Angoissée, elle hurle et court dans chacune des pièces de l’appartement, à la recherche d’Ambre. Elle retrouve sa princesse dans sa chambre avec un gros trou dans son dos et la tête encastrée dans l’écran fracassé de son ordinateur. Il y a des traces sanglantes de mains autour de la nuque de sa fille.

Des traces de mains d’enfant !

Folle de rage et de tristesse, elle appelle la police.

 

 

Sans (re)père

par les 1GA du Lycée d’Artois de Noeux-les-Mines.

Chapitre 1

Le Roi de la Nuit

Le King Night est une boîte de nuit qui ressemble à une grosse bulle transparente. Des signes chinois de couleur bleu, rouge, vert, blanc, rose ou encore violet éclairent sa façade. Son logo est un lion avec une platine. En effet, à l’entrée du parking, la statue d’un grand lion crache de l’eau parsemée de paillettes. Ce parking est éclairé de grandes lumières. Le dirigeant a rajouté des palmiers comme décoration. L’escalier qui mène à la boîte de nuit est en forme de vague noire. La rampe est de couleur rouge. Sur chaque marche, des traces de pas lumineuses montent jusqu’à l’entrée. La poignée de la porte est en forme de pouce. Derrière cette porte, de la musique retentit agréablement. Trois grands videurs en costume noir font entrer les fêtards. Un brouhaha festif monte de cette foule, impatiente de pénétrer à son tour dans le King Night.

Pendant ce temps, sur le parking, les alarmes de deux voitures se sont mises à sonner. Enzo est sorti voir ce qui se passe. Enzo est l’un des vigiles de la boîte de nuit. C’est un jeune homme de vingt ans, brun, aux yeux bleus qui plaît aux femmes. Métis, il est de grande taille et musclé.

Enzo s’approche des deux véhicules pour vérifier s’il y a des marques d’effraction. Le bruit assourdissant des alarmes retentit dans ses oreilles. Il les ignore et observe avec prudence les alentours. La nuit est chaude. Une brume s’installe tout doucement, mais il ne voit rien de suspect. Tout est calme. Il n’entend que la musique qui filtre du King Night. Il jette un œil vers le coin fumeurs – situé sur le côté droit de la boîte de nuit. Là-bas, aussi, tout est calme.

Mon dieu, qu’est-ce qui se passe ? se demande Enzo, décontenancé.

Les alarmes cessent alors de sonner.

– Merde ! Jure-t-il, c’est quoi ce bordel ?

Il prend la décision de noter les plaques d’immatriculation pour demander au propriétaire s’ils ont un problème avec leurs alarmes. Mais, soudain, le vent se met à souffler, de gros nuages envahissent le ciel et de violentes grêles s’abattent sur le parking. N’ayant pas d’autre choix face à ce déluge, Enzo met sa veste au-dessus de sa tête et court très vite vers la boîte de nuit.

* * *

À l’intérieur du Roi de la Nuit, l’ambiance est tonique, car le club fête ses vingt ans d’existence. La salle est particulièrement remplie de jeunes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans. Tous les habitués sont là. Il y a beaucoup de lumières blanches, bleues, vertes et violettes. Elles clignotent parfois avant que ne soient ajoutés des jeux de fumée. De la musique électro entraîne les danseurs et remplit leurs oreilles. Les jeunes fêtards s’amusent : ils boivent, rigolent et dansent. Ils font des « collés serrés ». Les hommes crient, les filles se déhanchent sur la piste. À l’étage, on trouve des fauteuils où certains discutent en buvant un verre.

Face à ses platines, derrière des lunettes noires, un vieil homme ambiance la piste. Il s’agit d’Alphonse, le DJ. Sa cabine de mixage se trouve au-dessus de la piste de danse. Le DJ du King Night porte un pantalon à carreaux, une chemise rose et une cravate bleue. À ses pieds, il porte des pantoufles. Il se promène toujours avec un sac noir qu’il a posé à ses pieds. Le vieil homme recoiffe ses cheveux longs et gras, il les attache en queue de cheval avant de mettre sa casquette à l’envers. Il est un peu stressé, c’est la première fois qu’il mixe dans cette boîte de nuit. Il lance de la mousse par le biais d’un canon. La foule se déchaîne. Certains se jettent dans la mousse, d’autres jouent au « t-shirt mouillé ». L’ambiance au King Night n’a jamais été aussi folle.

Chapitre 2

Ambre.

Ambre, jeune femme de vingt ans, est au bar du King Night où elle boit un cocktail avec ses colocataires : Inaya, la Congolaise, Kimberley, une blonde entièrement refaite, Camille, aux cheveux roux, et Irna qui, elle, est originaire d’Hawaï. Les longues jambes d’Ambre tapotent sur le sol d’impatience. Elle est vêtue d’un slim vert pomme et de baskets jaune moutarde. Après avoir discuté entre elles, ses amies décident de draguer Henri, le barman, pour rigoler. Celui-ci est grand et beau. Elles se sentent en sécurité avec lui, car il est baraqué.

Kimberley, la plus folle des colocataires, lui fait les yeux doux :

– Auriez-vous la gentillesse de nous offrir cinq super cocktails ?

– Je ne peux pas faire cela, désolé, lui répond le barman sûr de lui. Ça ne tiendrait qu’à moi, je vous les aurai déjà offerts.

Kimberley minaude :

– Faites-nous plaisir !! Pour les 20 ans de la boîte ! Vous n’êtes pas à cinq cocktails près !

Irma le supplie :

– S’il te plaît, Henri…

Le barman leur fait un clin d’œil :

– OK, je vous les offre, les filles ! Vous êtes tellement belles qu’on ne peut rien vous refuser. On ne dira rien au patron.

Les quatre filles rigolent entre elles sauf Ambre qui se sent triste de voir ses amies s’amuser. Se sentant mal à l’aise, elle se tourne vers la piste de danse. Ses yeux s’arrêtent sur un beau jeune homme qu’elle n’avait encore jamais vu au King Night. Ce garçon brun, ni trop petit, ni trop grand, en costard, est en train de danser avec des amis.

La jeune femme décide d’aller aux toilettes afin de vérifier son maquillage et replacer ses cheveux pour qu’il puisse la remarquer. Elle ne veut pas, encore une fois, être ignorée. Mais, en passant au niveau de l’entrée, elle se fait percuter et valse au sol.

* * *

Affolé par la tempête de grêles, Enzo a couru à l’intérieur du King Night pour s’abriter. Une fois l’entrée franchie, il percute malencontreusement quelqu’un au niveau des toilettes. Un choc se produit, suivi d’un cri aigu. Le jeune vigile reprend ses esprits, respire un grand coup, ferme les yeux puis les rouvre pour s’apercevoir qu’il a bousculé une jeune femme ! La gêne prend le dessus sur son caractère froid et plutôt sûr de lui. Le jeune homme rougit et tend une main. La fille la saisit et se lève. Enzo est dans tous ses états :

– Oh ! Excusez-moi ! dit-il. Pardon, je ne vous ai pas vu, je suis confus.

– Ça n’est rien… euh… Enzo, c’est cela ? demande-t-elle.

– Oui, c’est moi et toi, tu dois être Ambre ?

Elle secoue la tête de haut en bas pour lui faire comprendre que « oui ».

– Mais… dis-moi…, lui demande Ambre, pourquoi courais-tu comme ça ?

Autour d’eux, l’ambiance est à son maximum. Tous les fêtards sont sur la piste de danse. Un succès pour la première au King Night d’Alphonse, le DJ.

– Oh… eh bien, des grêles sont tombées ! s’esclaffe Enzo. Du coup, je me suis précipité et… et voilà.

– Des grêles ?! répète Ambre d’un air surpris.

– Oui, une suite d’événements bizarre. En plus, j’ai perdu la feuille sur laquelle j’avais noté les plaques d’immatriculation des voitures ! Mince, où est-elle ? Je n’ai vraiment pas de chance…

– Moi, c’est en amour que je n’ai pas de chance ! lui confie la jeune femme.

Ils se regardent un instant.

– Bon et bien, finit par dire Enzo, je vais reprendre le boulot. Encore désolé, passe une bonne soirée.

– Merci, lui lance Ambre avant de filer aux toilettes.

Chapitre 3

Alphonse.

De son poste de mixage, Alphonse observe Ambre qui vient de percuter Enzo. Il ne la quitte pas des yeux. Cette nana l’intrigue. Il l’a aperçue au bar, juste avant, grâce aux jeux de lumières. Ambre est tellement grande qu’on la remarque assez vite. Elle a les cheveux blonds avec une mèche rose.

Subitement préoccupé, le DJ du King Night reste fixé sur elle. Il se demande s’il est fou. En effet, sa chevelure lui rappelle celle d’une femme qu’il a connue il y a une vingtaine d’années. Cette dame lui a fendu le cœur.

– Mais ça ne peut pas être elle, se dit-il à lui-même. C’est une vieille peau, maintenant… Cette nana, là-bas, elle pourrait être ma fille !

Il ricane avant de penser : Et si j’allais la voir ! Juste histoire de lui montrer un peu de mes talents. Puis il se ravise, il aurait l’air ridicule. Alors, il se concentre à fond sur son mixage et se laisse emporter par sa musique. Mais, soudain, dans sa poche, son téléphone se met à vibrer. Étonné, il s’intéresse au message qu’il vient de recevoir. C’est un message sans nom d’expéditeur, qui lui demande de l’appeler. Il ne connaît pas ce numéro, mais il sait ce que cela signifie…

Empressé de savoir ce que veut son client, il lance sa playlist pour aller s’isoler et la contacter. Il quitte sa cabine et descend les escaliers. Arrivé en bas, Enzo l’aborde.

– Bravo, tu as du talent ! le félicite le jeune vigile. C’était un bon enchaînement !

Autour d’eux, les gens s’amusent, rigolent, dansent et font la fête comme des fous.

– Cool, bien, marmonne Alphonse. Tout le monde s’amuse.

– Depuis quand es-tu DJ pour mixer comme ça ? lui demande Enzo, étonné. Je n’ai jamais rien entendu de meilleur de toute ma vie !

– Ça va faire 40 ans !,répond Alphonse froidement.

– 40 ans ?! Mais quel âge as-tu alors ?

Le DJ commence à s’énerver :

– J’ai 69 ans !

– Ah ! Ça, c’est un DJ Papy que l’on a dans cette boîte ! Bravo, tu as su mettre l’ambiance, ça va être une soirée d’enfer !

Sauf qu’Alphonse ne prend pas ça à la rigolade. Pressé, il rembarre Enzo.

– J’dois te laisser, j’ai pas que ça à faire.

Étonné de ce comportement, Enzo le laisse partir sans chercher à comprendre sa réaction.

***

Une fois caché dans les toilettes, Alphonse compose le numéro de la personne qui lui a envoyé le SMS. Une voix essoufflée et enfantine lui répond avant qu’il ne puisse parler.

– Alphonse-Fred ? Tu as comme cible le barman de la boîte de nuit dans laquelle tu te trouves. Il est beaucoup trop proche des amies d’Ambre, la fille avec une mèche rose dans les cheveux. C’est pas bon !

– Ambre ? l’interroge-t-il.

– Ne pose pas de questions et fais-le.

L’appel cesse sans répondre à son interrogation. DJ Papy raccroche et retourne dans sa cabine de mixage. Une fois devant ses platines, Alphonse relance la musique en regardant du coin de l’œil le bar où Henir, le barman, discute encore avec les amies de cette Ambre.

Ainsi elle s’appelle Ambre, songe Alphonse avant de s’interroger : Comment vais-je faire pour éliminer discrètement le barman ?

Chapitre 4

Enzo

Aux toilettes, Ambre se remaquille. Elle entend l’ambiance de folie et la bonne musique qu’est en train de passer le nouveau DJ. Kimberley, l’une de ses quatre colocataires, la rejoint. Ambre en profite pour lui parler du garçon qu’elle a aperçu et lui demander des conseils pour l’aborder. La jeune femme n’a pas confiance en elle. Elle vit dans le doute et se demande souvent pourquoi elle est différente des autres. Pourquoi elle n’a pas ses deux parents et pourquoi, elle-même, ne réussit pas à être en couple.

Après les conseils donnés par Kimberley, Ambre se sent prête.

* * *

– Salut ! Tu as une minute à m’accorder ? demande-t-elle au garçon.

– Heu… oui, lui répond celui-ci.

Tous les deux montent au premier étage. Le garçon sourit tandis qu’Ambre tremble de peur à l’idée de sa réponse. L’ambiance, à l’étage, est plus intime, apaisante. De là, ils rejoignent le toit de la boîte de nuit. Le beau garçon décide de s’asseoir sur un banc face aux étoiles. L’endroit est romantique, rempli d’arbres. Ils regardent un instant les étoiles. Elles sont brillantes, presque aveuglantes. La lune est grosse et proche. Les grêles ont cessé de tomber.

– Tu es célibataire ? finit par demander Ambre.

– Non, lui répond-il. Je suis en couple.

La jeune femme est dégoûtée. Elle en a des nausées et en perd ses nerfs. Elle lui balance que de près, il est horrible et qu’elle regrette de l’avoir abordé. Pour la calmer, le garçon lui donne un peu d’espoir :

– J’ai remarqué que le videur qui s’appelle Enzo ne cesse de te regarder depuis tout à l’heure, tu devrais aller le voir.

* * *

Très intimidée, Ambre s’approche d’Enzo. Elle se demande pourquoi il la regardait comme ça et se dit ce que n’est pas un hasard : peut-être est-ce un signe ?

– Re, lui sourit-elle, tout intimidée.

– Tout va bien ? lui demande-t-il gentiment.

– Je vais bien…, balbutie-t-elle d’une petite voix. Dis-moi, est-ce que… est-ce que tu accepterais d’aller prendre un verre avec moi ?

– Oui, bien sûr, avec plaisir !

Une fois servis, la musique étant trop forte au bar, ils décident d’aller à l’étage où ils pourront discuter.

– Comment s’est passée ta semaine ? lui demande Enzo, une fois installé.

Ambre lui raconte que sa semaine ne s’est pas très bien déroulée.

– J’ai demandé des informations sur mon père à ma mère, répond-elle, les larmes aux yeux. Elle a refusé. Je suis partie énervée.

– Explique-moi…

– Avant ma naissance, ma mère a rencontré un homme. Mon père. Depuis que je suis venue au monde, il n’a donné aucun signe de vie. La seule chose que je suis sûr, c’est qu’il s’appelle Fred et qu’il est parti à cause de son travail.

– Quel travail ?

– Je ne sais pas, ma mère n’a jamais voulu me le dire, explique-t-elle la gorge serrée .

Enzo, sous ses apparences de gars dur, est ému par son histoire. Il la prend dans ses bras pour la réconforter et lui chuchote :

– Si tu as besoin de quelque chose pour le retrouver, je t’aiderai….

Soudain des cris de peur montent de l’entrée. Enzo dit à Ambre de rester où elle est et court vers le rez-de-chaussée.

Au niveau du couloir d’entrée, une foule entre précipitamment. Tout le monde se pousse. Des personnes rentrent dans le King Night en s’époumonant de peur. D’autres fêtards voyant la fête dégénérer à l’extérieur décident de sortir pour aller voir ce qui s’y passe. Enzo se fraye, avec beaucoup de difficulté, un chemin à contre-courant. On le bouscule, il est écrasé. Au moment où il est enfin en vue de la sortie, un homme lui tire le bras pour pouvoir passer. Enzo fait trois pas en arrière. Son t-shirt s’arrache, il trébuche. Des gens le poussent et il tombe. Il se fait écraser les doigts par la foule. Son pouce est retourné, du sang coule de sa main. Il crie de douleur, mais personne ne l’entend. Malgré cela, il se relève et arrive à l’extérieur du King Night.

Sur le seuil de la boîte de nuit, il découvre le corps de son collègue, allongé au sol. Enzo constate que le videur a la nuque brisée.

Quelques minutes plus tôt…

Un petit garçon se tient contre un arbre, non loin de la boîte de nuit. À quelques mètres, derrière lui, passe une route assez mouvementée.

L’enfant a l’air perdu. Il parait étranger à son époque. Il est couvert de terre, ses vêtements sont en lambeaux. La tempête de grêles tombe sur lui, mais il ne semble pas vouloir s’abriter. Ses yeux d’un gris profond regardent autour de lui comme pour chercher de l’aide. Il regarde partout : de chaque côté, derrière lui. Ses mains sont toutes blanches, elles pendent en bas de son corps. Son visage, livide, est marqué par la peur. Ses lèvres sont d’un bleu violacé.

Le garçonnet fixe subitement la route. Il s’avance vers elle.

Des phares l’éclairent. Le bruit du moteur le perturbe et l’odeur des pots d’échappement lui fait tourner la tête. Il titube.

Le chauffeur klaxonne pour le prévenir d’un risque. L’enfant sursaute. Une onde part de lui et fait se briser les vitres de la voiture. Le chauffeur est surpris. Il lâche le volant et sa voiture zigzague, se renverse, fait des tonneaux et finit sur le toit sur le bas-côté.

– Est-ce mon âme qui a fait ça ? dit l’enfant d’une voix grave.

Tout à coup, les grêles cessent de tomber. Alors, le petit garçon semble découvrir la musique qui s’échappe du King Night…

* * *

À l’extérieur du King Night, beaucoup de gens veulent entrer. L’enfant s’approche en direction du videur. Autour de lui, les fêtards qui attendent sont étonnés de son âge et de son physique.

– Eh, regarde, ce mioche tout crasseux ! s’exclame quelqu’un.

– Qu’est-ce que ce nain, fait ici ? se moque une autre personne.

L’un des videurs, étonné, lui bloque le passage. Il s’agenouille et lui demande :

– Que fais-tu là, mon enfant ? Tu ne peux pas entrer.

En effet, il a pour responsabilité de ne laisser passer aucun mineur.

– La maternelle, c’est pas par là, petit ! se moque son collègue.

L’enfant le regarde droit dans les yeux, sourit et reste muet.

– D’ailleurs, où sont tes parents ? s’inquiète premier le videur. Tu as un problème ?

L’enfant ne répond toujours pas.

– Qu’est-ce que c’est que ces vêtements ? demande alors le vigile. Pourquoi sont-ils pleins de terre ?

Le petit garçon lui renvoie un regard sombre et lui dit :

– Il y a une personne qui m’attend à l’intérieur…

Alors, il s’avance et lui tord la tête. Un énorme craquement se fait entendre et le corps du videur s’affaisse comme un pantin désarticulé.

Durant tout ce temps, à l’arrière de la boîte de nuit…

Dans une ruelle, à l’arrière du King Night, Alphonse fixe le barman. Son regard est froid. Son visage ne trahit aucune émotion. Henri, le barman, a les pieds liés. Il est bâillonné. Adossé au mur d’une maison abandonnée, il ne peut pas s’échapper.

– Je suis désolé, s’excuse Alphonse, je n’avais rien contre toi, mais mon client, oui. Et le client est roi.

Henri essaye désespérément de lui parler pour le convaincre de lui laisser la vie sauve, mais étant bâillonné, il ne fait que s’étouffer. Alphonse charge son arme, met le silencieux…

… et lui ôte la vie d’une balle dans la tête.

Le corps du barman devient inerte et s’affaisse. DJ Papy l’emballe dans un grand sac et le jette dans la benne à ordure de la ruelle.

– Quand on te trouvera, demain, après la fête, dit-il, satisfait de son travail, je serai déjà loin…

Il entend alors des cris de panique venant de la boîte de nuit.

Jurant entre ses dents, il se précipite dans la salle de danse où il voit quelque chose à laquelle il ne s’attendait pas : toutes les personnes sont apeurées. Certaines pleurent, des filles hurlent. Se faisant discret, il décide de rejoindre le premier étage par le deuxième escalier – celui situé à côté du coin du fumeur. Une fois là-haut, il a une vue d’ensemble et découvre alors l’enfant au milieu de la pièce. Un enfant… aux yeux de sang

Il aperçoit également Ambre qui descend l’autre escalier qui mène à l’étage. Elle avance comme une somnambule. Elle se dirige vers le garçon…

Retour à Enzo, à l’extérieur du King Night

À l’extérieur, une foule effrayée entoure Enzo.

– À l’aide ! crie-t-elle.

Un videur vient voir Enzo qui, gardant la tête froide, a décidé de déplacer le corps. C’était l’un de ses amis. Il ne voulait pas que celui-ci soit piétiné par la foule en panique.

– Je ne comprends pas ce qui lui est arrivé, lui dit le videur. Il y avait un enfant et puis… tout a été si vite !

Le troisième videur est en train de téléphoner à la police.

Soudain, toutes les lumières à proximité se mettent à briller à tel point qu’elles en deviennent aveuglantes. Puis, dans un bruit assourdissant, elles explosent, les unes après les autres. La peur se lit alors sur tous les visages. À l’intérieur du King Night, des cris d’horreurs retentissent, et, tout à coup, les portes de la boîte de nuit se referment.

Quelques secondes avant que les portes ne se referment,

à l’intérieur du King Night…

Dans la panique, l’enfant a réussi à se faufiler à l’intérieur du King Night. Surpris, il découvre un environnement qu’il ne reconnaît pas : fumée, alcool, des vêtements différents des siens. Et cette musique bruyante qui lui vrille les tympans…

Les lumières le brûlent. Tout son être le brûle ! Ce qui lui donne de l’énergie, mais, aussi, un insupportable mal de crâne.

– Calmons-nous…, se dit-il de sa voix grave. Qu’est-ce donc que ce vacarme ignoble ? Et cette brume, d’où vient-elle ?

Il découvre alors de jeunes personnes déchaînées qui sautent dans tous les sens.

– Que Diable ! se récrie-t-il. Qu’est-ce que ces sauvages ? Ils dansent comme des fous !

Toute cette agitation lui tape sur les nerfs.

Ses yeux s’agrandissent alors et deviennent d’un rouge vif perçant. Derrière lui, les portes du King Night se referment.

Chapitre 5

Ambre

Des hurlements et des cris de panique retentissent de partout dans le King Night. Au premier étage, Ambre, apeurée par ce bruit, hésite à aller voir ce qui se passe. La jeune fille décide de ne pas se montrer. Elle a peur de se retrouver face à quelque chose d’effrayant. Rien que d’y penser, elle en la chair de poule. Elle reste donc cachée.

Elle s’imagine alors des choses horribles. Elle voit des corps à terre, des personnes en sang, la moitié de la boîte de nuit détruite et en feu. À travers les flammes, elle aperçoit une forme lumineuse. Mais pas une forme humaine. C’est beaucoup plus grand, beaucoup plus gros. Et la jeune femme ne peut pas s’empêcher de s’en approcher. Les flammes s’estompent et elle découvre un monstre ! Un démon ! Mais elle n’est pas sûre, car des personnes terrorisées courent dans tous les sens pour s’échapper de la boîte de nuit et elle ne voit pas bien.

Soudain, quelqu’un la percute, violemment. Le choc l’assomme. Quelques minutes plus tard, Ambre se réveille avec un léger mal de tête. Il n’y a plus personne dans la boîte de nuit, à part des cadavres. Le démon, lui, est encore là – car c’est bien un démon qu’elle a vu dans les flammes ! Il est à dix mètres d’elle en train de dévorer un cadavre. Elle décide de ramper sans faire de bruit pour sortir de cet enfer quand soudain quelqu’un lui touche l’épaule !

Ambre ouvre les yeux.

Déboussolée, elle se retourne et voit Alphonse accroupi derrière elle.

Soudain, elle se rend compte qu’elle est au milieu des escaliers qui mènent à la piste de danse. Elle n’est plus cachée au premier étage.

En réalisant cela, elle prend peur. La panique l’envahit. Elle veut se sauver.

Avant qu’Ambre ne descende les escaliers,

Camille, Irna, Inaya et Kimberley…

Dans la boîte de nuit, il n’y a plus de musique. L’enfant aux yeux rouges se tient au milieu de la piste de danse et contemple tout le monde avec ses yeux rouges. Lorsqu’ils l’ont aperçu, les fêtards du King Night ont tenté de s’enfuir de leur boîte de nuit fétiche. Il y en a même qui étaient à l’entrée et qui se sont précipités à l’intérieur pour voir ce qui se passait, mais les portes se sont refermées ! Plus personne ne peut sortir !

Les fêtards sont terrifiés par cet enfant. Certains se sont écartés le plus possible de lui, les autres se sont cachés dans les toilettes, derrière des fauteuils ou derrière le bar. Sauf un garçon, chauve, qui, complètement ivre, continue de danser les yeux fermés. Les vigiles ont essayé de calmer la salle, mais en vain.

Kimberley, Irna et Inaya sont, elles aussi, derrière le comptoir du bar. Camille aux cheveux roux a été sonnée par des personnes qui l’ont bousculée en voulant s’enfuir. Kimberley et Irna l’ont traînée avec elles. Mais dans la panique, la bonde en plastique s’est coupé un ongle.

– Oh non, mon ongle, il était si beau ! commence-t-elle à s’énerver.

– On s’en fout de ton ongle ! réplique Irna l’Hawaïenne. Tais-toi et reste cachée !

Deux hommes très alcoolisés s’approchent de l’enfant, en rigolant.

– Hey, dit le premier, pas mal ton déguisement, tu l’as acheté à Méga Fête ?

– Tes yeux, ils tuent ! siffle le deuxième. T’es vraiment pas mal du tout comme ça ! Eh, le barman ? Où tu es ? Envoie la conso, mon pote !

L’autre s’étouffe de rire, mais il sent que son nez coule. En regardant ses doigts, il découvre du sang. Le comique s’écroule, de la mousse blanche sortant de sa bouche. Inconscient du danger, l’autre le prend aussitôt et l’allonge au sol pour lui faire un massage cardiaque, mais rien n’y fait. Il hurle de douleur, car il vient de perdre son ami. L’enfant lève son bras droit vers lui et l’homme se lève d’un seul coup pour être projeté derrière le bar. Il percute les étagères remplies de verres et de bouteilles et retombe à côté des amies d’Ambre, mort.

Irna, l’Hawaïenne, hurle de terreur et s’accroche à Kimberly, la bimbo en plastique.

– Oh, mon Dieu ! J’ai peur, je veux rentrer, où est Ambre ?!

Kimberley, au comble de la fureur, la repousse.

– J’en ai marre ! s’écrie-t-elle en quittant la protection du bar pour marcher vers l’enfant. Méfiante, elle hésite quelques secondes, mais la colère reprend le dessus et elle décide tout de même de l’affronter.

– C’EST DE TA FAUTE SI JE ME SUIS CASSÉ UN ONGLE ! lui hurle-t-elle à la figure avant de le gifler.

Le garçon attrape Kimberley par le bras et la projette contre un grand miroir.

La fille en plastique retombe au sol. Le bruit de sa tête qui claque au sol retentit dans toute la salle.

Irna hurle de toute ses forces. Inaya, la Congolaise, se précipite vers Kimberley pour l’aider à se relever. Son amie est sérieusement blessée. Un morceau de verre s’est enfoncé dans son dos.

– Je vais mourir, Inaya ! Aide-moi !, hurle Kimberley.

– Calme-toi, plus tu bougeras, plus tu auras mal, essaye de la rassurer la Congolaise.

– Facile à dire, c’est pas toi qui va mourir…, réplique Kimberley.

Alors, les plombs sautent.

À tous les étages, aucune ampoule n’est épargnée… La douce lumière si rassurante du Roi de la Nuit laisse place à l’obscurité et la boîte de nuit se retrouve dans le noir complet. C’est la panique générale. Tout le monde crie et se marche dessus pour essayer de se sauver.

***

C’est le noir total. Il n’y a plus un bruit, c’est le silence complet.

Au milieu des escaliers, Ambre, surprise, sursaute et se recule. Alphonse la retient pour éviter qu’elle ne tombe.

– Mais… co… comment cela est-il possible ? balbutie-t-elle.

Alphonse, lui, plisse le regard et serre les poings.

– Chut ! exige-t-il. Il ne faut pas faire de bruit !

– Monsieur, s’il vous plaît ! le supplie la jeune femme. Que se passe-t-il ?

– Je ne comprends pas, on dirait que quelqu’un attaque la boîte ! lui répond le vieux DJ.

– Il faut que je retrouve mes amies, aidez-moi à les chercher, je vous en prie !

– Tais-toi et reste cachée ! Il ne faut pas que l’on te voie !

Ambre entend alors du bruit. Dans cette obscurité, c’est difficile de voir. Elle repère pourtant que ces bruits proviennent d’Alphonse qui fouille dans son sac comme s’il y cherchait quelque chose d’important.

Elle décide alors de retourner à l’étage se cacher, tant bien que mal dans le noir.

Chapitre 7

L’enfant

Le générateur de secours se met en marche et quelques lumières se rallument.

L’enfant n’a pas bougé.

C’est intrigant, pense Inaya.

Elle décide d’aller lui parler. Elle dépose délicatement Kimberley sur le sol.

– Pourquoi es-tu là ? lui demande la Congolaise d’une voix calme et douce. Pourquoi fais-tu ça ? Pourquoi nous ?

Tout le monde se tait et écoute.

– Je suis là parce qu’on m’a appelé, répond l’enfant d’une voix cruelle.

– Qui veux-tu voir ?

Il s’approche doucement d’elle et lui chuchote :

– Ambre…

Inaya se recule et trouve du regard son amie. Elle est derrière l’enfant, dans l’escalier en train de monter, le plus discrètement possible, à l’étage.

Inaya la montre du doigt. L’enfant se tord sa nuque à 90 degrés pour la voir. Il la fixe d’un regard de fer et lui fait un signe glacial de tête pour qu’elle redescende.

– Je suis ton âme sœur, lui annonce-t-il en arborant un sourire narquois. Et je te veux !

Ambre se tient immobile au milieu des escaliers. N’en croyant pas ses yeux, elle découvre avec effroi que Camille gît au sol, inconsciente, et que Kimberley a un morceau de verre dans le dos. Le petit garçon la regarde avec ses yeux rouges. Ses traits sont bien ceux d’un enfant, mais son expression démontre sa perfidie. Elle ne sait pas quoi faire, elle est effrayée à l’idée de se retrouver face à lui. Ses jambes tremblent, des bouffées de chaleur lui montent à la tête, elle ne sent plus son corps. Elle ne comprend pas ce que lui veut cet enfant diabolique.

Ils se fixent tous les deux.

– Tu m’as fait venir ! s’énerve l’enfant. Maintenant, je t’emmène !

– Je t’ai fait venir, moi ?

– Oui, toi ! affirme-t-il. Je suis celui que tu as appelé, car tu étais trop seule !

– C’est… C’est une erreur, balbutie Ambre en décidant, finalement, de descendre. Je ne t’ai jamais appelé.

Irna hurle à son amie de ne pas s’approcher du garçon. Dans la panique, elle s’est coupé la jambe avec du verre. Elle commence à pleurer de peur et de douleur. Elle sort alors en rampant de derrière le comptoir pour essayer de trouver une sortie, même si toutes les portes sont bloquées.

L’enfant, furieux, de la réponse d’Ambre, abat sa colère sur Irna. D’un mouvement du bras, il la repousse contre le comptoir, et l’Hawaïenne retombe au sol, évanouie. Puis il marche vers elle. Ses lèvres s’arrachent, sa bouche devient immense et révèle des dents pointues.

Alphonse n’est pas loin. Il profite de cette diversion pour s’approcher de l’enfant, petit à petit. Il tient un couteau dans son poing. Le garçon s’arrête. Il se retourne vers lui et le projette en arrière.

Le tueur à gages atterrit sur le dos. Il se relève, sort son arme à feu et tire sur le garçon. Les balles transpercent sa poitrine, mais il ne sent rien. Alphonse essaye encore et encore. Rien ne se passe. L’enfant démoniaque reste debout sans manifester la moindre douleur.

Alors, ses yeux rouges s’illuminent. Il arrache ses vêtements et se met à hurler de frustration. Un cri horrible ! Il hurle de plus en plus fort.

– Ambre ! Ambre ! Je veux Ambre !!! Tu m’as appelé ! VIENS ICI ! AMBREEEEEEE !

Tout le monde se tient les oreilles et se jette à terre, certains se sauvent. Tétanisée, Ambre ne bouge plus. Alphonse a un flash : c’était au début de la soirée. Il était en train de mixer dans sa cabine. Le morceau lancé, il s’est dirigé vers la baie vitrée située derrière lui et qui donne sur le parking. Il a alors aperçu une bande de filles faire une séance de spiritisme. Il n’a pas réagi. Il s’est juste demandé ce que ces nanas essayaient d’attirer.

Il se tourne vers la jeune femme.

– Vois ce que tu as fait, petite sotte ! l’accuse-t-il. Tu as appelé un démon !

Ambre se souvient très bien de cette séance de spiritisme avec ses amies juste avant d’entrer dans le King Night. Elle voulait rencontrer une âme seule, comme elle, lors de la soirée ! Elle a même demandé des réponses sur son père qu’elle recherche depuis si longtemps.

Elle se rend compte à présent du monstre qu’elle a engendré. Ses lèvres tremblent. Elle serre les dents au point de se blesser.

– C’était pour rigoler, s’en veut-elle, les yeux en larmes. Je ne savais pas que ça pouvait marcher ! Je suis désolée…

Les voyant parler tous les deux, l’enfant les fixe et ne les lâche plus.

Soudain, la main gauche d’Ambre se lève sans que la jeune femme ne sache pourquoi et attrape le vieux DJ par la gorge. Puis elle le soulève sans aucune difficulté.

Alphonse essaye de desserrer la poigne d’Ambre. En vain.

Elle est sous l’emprise de ce démon de gosse, comprend-il. Il la possède.

Il aperçoit alors une bague au doigt d’Ambre. La jeune fille la porte, car c’est le seul souvenir de son père. C’est sa mère qui la lui a donnée. Et, cette bague, le vieil homme la connaît bien. C’est la bague de fiançailles qu’il a offerte à celle qu’il aimait. Sauf qu’elle n’appréciait pas son travail de tueur à gages. Elle a refusé sa demande en mariage, ne voulant pas mettre sa vie et celle de sa fille en danger. Il lui a laissé l’anneau et il est parti.

À la vue de cette bague, Alphonse comprend qu’il a sa fille en face de lui.

Sa fille sous l’emprise d’un démon et qui, de plus, est en train de l’étrangler !

Ambre resserre son emprise de plus en plus. Le vieil homme commence à manquer d’air et se met à tousser. Il regarde Ambre dans les yeux fixant le visage de cette jeune femme qui ressemble tellement à sa mère et réussit à articuler, à bout de souffle :

– Ma fille, je suis ton père…

Chapitre 8

Ambre et Alphonse

Le choc de cette révélation associée à l’émotion qu’elle suscite permet à Ambre de retrouver ses esprits. Elle échappe alors à la domination de l’enfant et lâche Alphonse en pleurant.

Le petit garçon entre alors dans une colère totale.

Une corne apparaît sur sa tête, puis une autre. Il se met à grandir, grandir, grandir ! Une grandeur incroyable à couper le souffle ! Sa peau devient noire comme les ténèbres. Des griffes sortent de ses mains et de ses pieds. Ses oreilles deviennent pointues. Une pupille noire apparaît au milieu de ses yeux d’un rouge furibond. Ses dents se transforment en crocs pointus, les voici coupantes comme des lames de rasoir.

C’est le Diable en personne qui a été invité au King Night !!

Inaya, celle qui n’a peur de rien et qui s’était avancée pour lui parler, est toujours près de lui. Le Diable l’attrape par la jambe et la balance avec tant de force et de violence vers la cabine de mixage qu’elle s’empale sur le micro de DJ Papy.

Les gens hurlent de plus belle. Certains s’évanouissent.

Ambre aussi est totalement terrifiée. Ses bras s’affaissent le long de son corps. La bouche grande ouverte et les yeux sortants de ses orbites, elle ne bouge plus.

De son côté, Alphonse est pâle, confus. Le Diable est venu en personne à cause de la séance de spiritisme d’Ambre et il a pris le corps d’un malheureux enfant décédé pour s’inviter à la fête. Le vieil homme se remet de ses émotions et son visage devient rouge de colère. Les dents serrées, ses veines ressortant de son front, il ramasse son couteau et son arme à feu. Sous ses sourcils froncés, son regard est inquiet, mais il est à l’affût du moindre geste de la part du roi des démons.

– Je te tuerai, lui dit le tueur à gages.

– En es-tu certain ?

– Oh que oui !

– Regarde ce que je sais faire, explose de rire le Diable. C’est ta fille, je le sais !

Les pouvoirs du Diable se décuplent. Il grandit encore plus. Ses griffes acérées s’allongent, ses yeux rouges deviennent totalement noirs. Aussi noirs que les abysses des océans. Ambre, totalement vulnérable, écarquille les yeux ne sachant que faire face à cette vision d’horreur.

– Noooon, prends-moi ! hurle Alphone. Ma fille a fait une erreur. Laisse-la tranquille. Elle a encore toute sa vie devant elle. Elle est jeune et belle. Elle n’a pas besoin qu’on prenne son âme ! Emporte-moi, à la place ! Tu verras, je suis de bonne compagnie !

– Je suis là pour Ambre, pas pour une vieille peau comme toi. Ta fille m’a appelé, elle m’appartient. Je prends qui m’a amené ici. Et si tu ne me laisses pas tranquille, je t’arrache le cœur.

De deux puissants coups de poing, le Diable fait s’ouvrir le sol. La piste de danse laisse place à un immense trou, et les flammes de l’Enfer envahissent le King Night. Ambre est déséquilibrée par une force invisible qui la pousse dans ce grand trou. Elle a juste le temps de se rattraper au bord du précipice. Le Diable rit de plus belle. Mais la jeune femme s’accroche désespérément. Alphonse n’a pas le temps de l’aider, car la jeune femme voit soudain des flammes qui engloutissent la boîte de nuit.

Tout est perdu…, songe-t-elle.

Dans un dernier soupir, elle se laisse chuter en Enfer.

– HA ! HA ! HA ! HA ! HA ! Nous nous reverrons bientôt, toi, mon âme sœur ! Toi, la petite humaine qui se sentait trop seule pour attendre le prince charmant ! Ce n’est plus qu’une question de temps, à présent ! Tu es à…

Alphonse ne lâche rien de rien. Il lève son pistolet, vise et fait feu sur le Diable. Celui-ci, furieux d’être interrompu, s’avance et l’attrape par la gorge et serre, serre, serre. Alphonse essaye de se défendre. Impossible. Alphonse le gifle. Le Diable voit rouge et le jette à travers la salle. Le vieil homme percute le comptoir du bar, juste à côté d’Irna l’Hawaïenne.

La colocataire d’Ambre l’appelle alors d’une toute petite voix. Elle a sorti une petite croix accrochée à une chaîne de son bustier qu’elle lui tend. Le DJ s’en empare et la tend vers le roi des Démons. Aussitôt, elle s’illumine, et se met à grandir. Elle grandit tellement qu’Alphonse doit la tenir à deux mains. Alors, il se relève et se met à crier, la croix tendue vers la créature démoniaque.

– Diable, retourne en Enfer !

Le Diable vacille, comme s’il avait été touché par quelque chose.

Le tueur à gages s’adresse aux fêtards cachés et encore en vie.

– Aidez-moi ! Répétez cette phrase avec moi ! Diable, retourne en Enfer ! Jusqu’à temps ce qu’il meurt ou qu’il disparaisse ! ALLEZ !!

Toutes les personnes sortent de leur cachette et lui obéissent :

– DAIBLE, RETOURNE EN ENFER !

Le Diable crie, bouge, essaye de s’enfuir. Impossible. Ne respirant plus, il s’effondre.

Alphonse pose la croix sur la poitrine du démon. Le démon redevient un enfant, puis une âme rougeâtre sort de son petit corps et disparaît. L’enfant, mort, s’enfonce ensuite dans le sol.

À ce moment-là, tout redevient normal dans le King Night. Comme s’il n’y avait jamais eu de mort ou de crevasse donnant dans les profondeurs abyssales de l’Enfer.

D’ailleurs, même le Diable n’est plus là. À la place, il y a Ambre, qui reprend ses esprits. Elle prend Alphonse dans ses bras et lui plaque un gros baiser sur la joue.

Les lumières se rallument et la musique redémarre.

épilogue

Alphonse a donné rendez-vous à Ambre et à ses copines dans un cimetière non loin de la boîte de nuit.

– C’était une hallucination collective ou pas, vous croyez les filles ? demande Inaya.

Kimberley, la bimbo hausse les épaules :

– Bah ! Tant que mon ongle est redevenu comme avant…

Irna ne dit rien. Pensive, elle touche la croix qu’elle porte à nouveau autour de son cou.

– En tous les cas, intervient Camille aux cheveux roux, ça ferait une très bonne histoire de roman ! Ou pour du moins pour l’histoire qu’on doit écrire en cours de français.

Ambre, également silencieuse, secoue la tête, espérant que toute cette soirée n’ait été qu’un méchant rêve collectif. Peut-être dû à une drogue qu’Henri, le barman, aurait mise dans les boissons. D’ailleurs, il a disparu durant la soirée et on ne l’a jamais revu.

Enfin, ils voient le vieil homme. Il leur montre une photo sur une très vieille tombe. La photo d’un enfant. De l’enfant !

– Regardez les dates…, maugrée-t-il. Vous avez rappelé un enfant qui est mort depuis plus de 150 ans. Ne refaites plus jamais cette bêtise, les filles. Ça peut aller très loin. Heureusement que j’étais là. Ambre, tu as quand même mis nos vies en danger. S’il avait réussi à te prendre, ni toi, ni nous, ne serions là aujourd’hui. Promettez-moi de ne plus jamais jouer avec les esprits, les filles…

Les cinq filles n’ont pas le temps de le promettre. Sur la photographie, le visage du garçon bouge. Il leur sourit, puis leur fait un clin d’œil avant de se figer à nouveau.

La seconde d’après, une main blanche sort de terre…