M.M. Faiseur d’histoires – Ateliers d’écriture

La famille Boche, toute une histoire

par les élèves de 3e D du collège Michelet de Lens

Margaux, Sarah, Elhoussein, Maxime, Mickaël, Vincenzo, Mounir, Marie, Lucie, Amandine, Laetitia, Rémy, Juliette, Aymeric, Corentin, Laurine, Deborah, Agathe, Nabila, Nicolas, Alexandre, Enzo, Nassim, Ameline et William.

et

la 2nde E du lycée de Béhal de Lens

Julie, Anaïs, Perrine, Mélissa, Florentin, Tifanny, Pauline, Damien, Corentin, Christopher, Linda, Ylies, Sébastien, Lolita, Mathieu, Bryan, Médina, Paul, Thomas, Amir, Donovan, Tanguy, Amélie, Romain, Vyns, Émeline et Jordan.

avec la participation de :

Natacha Rabhi-Lenglet et Laurence Ronco, professeurs

et de Michaël Moslonka – écrivain, animateur d’ateliers d’écriture (M.M. Faiseur d’histoires)

* * *

 Paris, 1850

L’histoire de la famille Boche débute au moment où Auguste Lantier quitte Gervaise Macquart (le personnage principal de L’Assommoir).

Cette histoire dans l’histoire est découpée en 25 scènes.

* * *

Scène 1

Le cauchemar de Jeanne

En milieu de journée, Jeanne Boche rentre chez elle.

Elle habite au 57 impasse Bonsecours dans une petite maison située juste à côté d’une boulangerie. En face, il y a une grande fontaine où elle va régulièrement chercher de l’eau pour laver sa maison et préparer le repas. Dans la rue, il y a trois  cabarets ainsi qu’un fleuriste. Sur le trottoir, quelques misérables tendent la main pour demander à manger. Chaque soir, tous les enfants de sa rue chantent la même chanson avant d’aller se coucher.

Jeanne Boche entre dans sa cuisine et fait cuire du bœuf dans son four à bois. Pendant que la viande cuit, la concierge dépose sur la table quatre livres de beurre, une carafe de cinq litres d’huile d’olive et un énorme flan de trois mètres de diamètre.

Comment vais-je manger tout cela ? pense-t-elle, soudain.

Elle souffle :

– Je ne sais pas… mais j’ai trop faim !

Au bout d’une heure et demie, le morceau de viande est prêt. Elle dévore tout en trente minutes et prend 120 kilos d’un coup !

Tout à coup, madame Boche se réveille. Les cloches d’église sonnent les cinq heures du matin.

 

Scène 2

Le matin de madame Boche

– Ce n’était qu’un rêve ! râle madame Boche en quittant son lit.

Oui, ceci n’était juste qu’un rêve. Un délicieux rêve…

Elle se lève difficilement. Depuis quelque temps, elle n’est plus vraiment du matin. Elle se couche très tard, car elle est pensive. Elle a remarqué quelques problèmes dans les comptes de son mari. Ce qui la tracasse. Qui plus est, son mari met de plus en plus de temps à se rendre à son atelier. Elle est donc en manque de sommeil.

Une fois levée, elle réveille sa fille de quinze ans :

– Mina… Debout…

– Je suis réveillée ! dit sa fille d’une voix endormie.

– Tu dis tout le temps ça et tu finis par te rendormir ! DEPÊCHE-TOI !

– J’arrive ! Mais ne crie pas dès le matin !

– Bien…

La femme gironde de trente-deux ans sort de la chambre qu’elle partage avec Mina. Puis elle part chauffer l’eau ramenée la veille. Elle se lave pendant que Mina se prépare.

 

Scène 3

Nausées matinales

Avec le broc, madame Boche verse de l’eau tiède dans la bassine offerte par sa cousine pour son mariage. Elle se regarde dans le miroir et se nettoie le visage avec un morceau de savon.

À ce moment-là, elle manque de tomber.

Le pot à eau se renverse.

Elle vient d’avoir un vertige.

Soudain, des nausées lui soulèvent le cœur !

Elle se précipite donc aux toilettes.

Une fois revenue dans la cuisine, Mina lui demande si elle lui a préparé son déjeuner.

– Non, désolée, Mina, lui répond sa mère, mais ne t’inquiète pas, je m’en occupe de suite.

Madame Boche prépare donc le déjeuner de sa fille puis s’assoit à la table. Elle a l’habitude de manger beaucoup de lard bien gras avec un bol de café bien sucré. Mais, après son vertige et ses nausées, elle n’a pas gardé son appétit.

Finalement, madame Boche se coiffe et se maquille. À sept heures, elle est prête et accompagne sa fille à l’école, puis elle ira au marché.

 

Scène 4

Madame Boche sur la route du marché

Dans la rue du collège, une odeur infecte de poubelle emplit les narines de madame Boche et de Mina.

Le collège est un vieux bâtiment abîmé. C’est une ancienne bâtisse administrative qui sert d’établissement scolaire. On peut entendre des cris d’enfants et ceux des professeurs qui les disputent. Quelques parents discutent entre eux, bruyamment, en attendant la fermeture des grilles.

Madame Boche prend Mina dans ses bras en lui disant de bien travailler et d’être calme durant ses cours. Elle lui donne une collation qu’elle pourra manger lors de la récréation.

Mina embrasse sa mère.

– Merci, maman, à ce soir !

Ensuite, elle part rejoindre ses amies dans la cour.

De son côté, Madame Boche doit se rendre au marché afin d’acheter des légumes pour sa soupe au lard, puis elle doit passer par la boulangerie pour du pain, et aller chez le boucher pour de la viande.

– Ensuite, se dit-elle à voix haute, il faudra absolument que j’aille au lavoir pour parler à Gervaise de son mari qui traîne avec des femmes toute la nuit.

La concierge prend donc le chemin du marché.

* * *

Au marché, lors de sa balade entre les étals, une délicieuse odeur de viande cuite chatouille ses papilles, lui aiguisant l’appétit. Grâce à cette odeur alléchante, ses vertiges matinaux disparaissent.

Scène 5

Madame Boche et le fruitier

Madame Boche se promène entre les marchands avec grand plaisir. Elle tombe alors sur un fruitier qui lui propose des pommes.

– Non, merci ! refuse-t-elle. Je déteste les fruits.

Le vendeur est un homme au visage émacié. Il porte une toque immaculée. Il persiste en caressant sa longue barbiche couleur d’ébène :

– Madame, nous avons un large choix de fruits pour satisfaire votre palais !

Jeanne Boche hésite en se disant qu’elle n’aime pas les fruits, peut-être, par simple peur. Elle explique cela au marchand qui a un rire moqueur.

Gentiment, il lui propose de goûter une fraise. Madame Boche  se laisse tenter.

– Ah ! mais quel délice ! s’extasie-t-elle en dégustant le fruit.

Le fruitier regarde sa cliente avec des yeux pétillants. Il lui propose de prendre plusieurs kilos de fraises. La mère de Mina accepte et achète deux kilos de fraises bien rouges.

Elle va ensuite à la boulangerie, heureuse de sa découverte alimentaire et de son achat !

Scène 6

L’école buissonnière

Pendant ce temps, au collège.

Cette année, Mina est bonne élève, car elle a redoublé. Mais elle est jalouse des filles de sa classe, car elles appartiennent à des familles bourgeoises. Elles sont plus riches, et, surtout, elles sont plus belles qu’elle.

Sa journée, aujourd’hui, n’est pas fameuse. Cette petite et fine jeune fille aux yeux bleus et aux cheveux longs frisés et bruns vient d’obtenir une mauvaise note. Elle a obtenu un 2 sur 20. C’était un contrôle de français, et elle n’avait pas révisé.

Elle est déçue. Son enseignant la gronde. La jeune fille prend la fuite et part retrouver les enfants de sa rue.

Son professeur est, maintenant, ennuyé. Pour lui, Mina n’est pas vraiment une rebelle et elle ne sait pas se défendre. C’est une fille très gentille et très naïve. Inquiet, il reste devant la fenêtre en oubliant ses autres élèves.

Les autres filles de sa classe sont très en colère, car il ne s’occupe plus d’elles.

Scène 7

Un vol a été commis !

Madame Boche arrive devant la boulangerie. Celle-ci s’appelle « Le petit coin ».

La concierge tombe. Elle manque toujours la deuxième marche.

Puis des pauvres entrent dans la boulangerie en marchant sur ses fesses, son dos et sa tête.

Et ils volent le pain chaud !

Ces voleurs ne sont pas très grands, ni très gros. Ils sont habillés avec des vêtements abîmés. Beaucoup d’entre eux ont les dents cariées.

Une fois leur méfait commis, ils partent en courant comme des minables.

– Rendez-moi, mon pain ! crie de toutes ses forces la boulangère.

L’un des voleurs est à la traîne. Madame Boche lève la tête et le fixe. Il a un visage sale, mais on peut voir ses yeux verts. Il a des sourcils mal dessinés. Il a l’air assez jeune. Il a un œil au beurre noir.

Il s’est sûrement battu…., pense la concierge.

Le bagarreur la regarde avec un regard méfiant. Il a un moment d’hésitation, lui tend la main pour l’aider à se relever puis il la retire et se carapate.

Quand les clients et les passants voient les gendarmes arriver avec leurs chevaux, tous se reculent. Les policiers de l’Empereur ont des visages froids et austères. Ils interrogent la boulangère et inspectent les lieux.

Madame Boche a peur d’eux. Même en tant que témoin, elle sait qu’elle risque d’être arrêtée et enfermée. Ils ne laissent rien passer. Elle essaye de garder son calme.

Un passant l’aide à se relever. Puis madame Boche prend un bâton qui traîne et part discrètement.

Scène 8

Drame

Madame Boche va chez le boucher.

Une fois servie, elle lui demande avec un air inquiet :

– Êtes-vous au courant des rumeurs, monsieur ?

– De quelles rumeurs s’agit-il, madame Boche ? veut savoir le boucher, surpris.

– D’une demoiselle de ma rue qui amènerait chez elle un homme pendant l’absence de son mari… Je pense qu’elle se prostitue !

– Oh ! C’est de madame Boury que vous parlez !

– Oui, comment le savez-vous ?

– Car ma femme l’a vue aussi avec un homme ! dit le boucher en frottant sa moustache d’un air désespéré. Ce brigand a mis ses enfants dehors en les frappant. Ma femme pense comme vous que madame Boury se prostitue !

– On m’a dit aussi…, intervient une grosse dame, que sa sœur complote avec la Prusse !

Cette dame est assez petite. Elle a de courts cheveux. Elle est vieille et ressemble à une sorcière.

Dans la boucherie, tout le monde en reste muet de surprise !

La vieille dame s’agite en criant qu’il faut aller chez ces traîtresses. Ni une ni deux, les Parisiens en colère quittent la boucherie avec une seule idée en tête : trouver madame Boury et sa sœur !

Le boucher prend avec lui un hachoir et donne un couteau à madame Boche. Celle-ci refuse, car elle a déjà un bâton. Mais elle prend ses sachets de viande et suit les clients en colère.

Scène 9

Le massacre des deux sœurs

Les clients en colère arrivent chez madame Boury et sa sœur. Ils ont ramassé des balais, des bâtons, des pierres et des pavés.

Ils entourent la maison des sœurs Boury, avec des torches à la main.

– Sortez de chez vous ! crient-ils. Vous devez mourir pour ce que vous avez fait !!!

– Laissez-nous tranquilles, on vous a rien fait ! pleure l’une des sœurs.

Quelques clients entrent dans leur maison en défonçant la porte.

Les deux femmes prennent peur et s’enfuient par la fenêtre. L’une d’entre elles tombe et se casse le nez !

La foule déchaînée les attrape.

Des gendarmes arrivent à cheval et aperçoivent les deux sœurs en train de se faire massacrer par les clientes du boucher. Ils s’arrêtent…

… et frappent aussi les traîtresses à coups de bâtons !

Ils sont sans pitié.

Ensuite, ils emmènent les sœurs en prison. Elles vont, sans aucun doute, passer un mauvais quart d’heure.

Madame Boche retourne chez elle, fière d’avoir sauvé la France d’un complot grâce à ses ragots.

Scène 10

De nouvelles rencontres !

Mina est partie rejoindre les enfants de son quartier pour s’amuser et chanter avec eux. La jeune fille n’appréhende pas du tout la réaction de sa mère, car celle-ci n’était pas forte à l’école.

Les gavroches de son quartier sont habillés de costumes abîmés. Leurs chaussures sont maculées de boue. Ils ont l’air de s’amuser, d’être contents… Ils sautent partout, se traitent entre eux et chantent des comptines : « Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau ! Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire ! »

La jeune fille découvre tous ces enfants. Ils lui paraissent agréables. Un petit groupe s’approche alors d’elle.

L’un de ces gavroches lui jette une poignée de boue qui salit sa robe blanche. Mina en a les larmes aux yeux.

– Va changer ta robe ! se moquent les autres chenapans.

Un garçon s’avance devant elle puis se retourne vers ses camarades. Il est petit. Il a la peau tannée. Bien habillé, il est armé d’un lance-pierres.

– Arrêtez ! leur ordonne-t-il avec un ton de général. N’avez-vous pas honte ?

– Mais…, tente un de ses camarades.

– Tais-toi et laisse-moi faire ! Ne t’occupe pas d’elle !

– C’est notre chef !, dit alors une jolie fillette blonde. Grâce à lui, on a une cabane et plein de copains et personne ne nous embête !

Elle est vêtue d’une longue robe déchirée et de bottes tachées d’un peu de boue. Elle a les mêmes yeux bleus que ceux du meneur de la bande. Il s’agit sûrement de sa sœur.

– Bonjour, dit-elle à Mina. Viens avec nous, les filles de la bande. On va voler des robes et des masques pour le bal de Versailles. D’après la rumeur, il y a, là-bas, un garçon très charmant !

Scène 11

Madame Boche, l’aventurière

Après l’épisode des sœurs Boury, madame Boche est allée au lavoir où elle a rencontré la bonne Gervaise. La concierge a fini de laver son linge. Maintenant, elle se tient à la sortie du lavoir. Il émane de son panier une forte odeur de lessive.

Soudain, elle découvre une silhouette en V au regard familier. Ce regard à la fois doux et méchant. Tout à coup, l’apparition disparaît au loin, dans la foule.

La concierge se fraye un chemin entre les gens à vive allure. Elle s’approche de plus en plus du fuyard et attrape le voleur de pain par son épaule gauche.

Celui-ci se retourne d’un air surpris.

Bien habillé, charmant, il n’a rien d’un voleur. Au contraire, il a tout d’un honnête homme. Ainsi que la taille d’un enfant.

Madame Boche retient un juron. Mauvaise pioche, ce n’est pas son voleur ! Son imagination lui a joué des tours…

– Qui êtes-vous ? s’énerve cet honnête homme. Que voulez-vous ?

– Je suis madame Boche ! Vous êtes le voleur de pain ?!

L’homme reprend son calme.

– Veuillez m’excuser, ma gente dame. Je ne vole point de pain. Cela reviendrait, pour ma personne, à un crime !

Madame Boche repart à ses occupations, folle de rage.

Dieu ! qu’elle aimerait bien retrouver ces vagabonds pour les remettre à la police ! Ce n’est peut-être pas son pain, mais elle serait une héroïne. Et ses aventures feraient un sujet de plus à raconter lorsqu’elle inviterait ses amies – madame Antoinette, sa voisine, la bonne Gervaise et quelques marchandes aimables – à boire du café.

Scène 12

L’abandon

Selon madame Boche, les traîtres n’ont pas de patrie et doivent être punis par la peine de mort !

– Mais les voleurs de pain, décide-t-elle en croisant les bras, tout dépendra de leurs raisons, si, bien sûr, ils en ont une !

Car il est possible qu’ils volent pour nourrir leur famille affamée.

La concierge brandit alors le poing en avant, ainsi que son bâton, et s’énerve :

– Mais si c’est pour les Prussiens, je les exécuterai de mes propres mains !

Attention, mauvaises gens ! Madame Boche et sa France patriotique arrivent !

* * *

Une fois de retour dans sa rue, la concierge croise Gervaise.

– Comment se passe votre matinée ? lui demande cette dernière.

– Je suis un peu fatiguée, répond madame Boche. Et vous que faites-vous ?

– Vous savez, Jeanne, répond avec tristesse Gervaise, mon mari m’a abandonnée, alors que nous avons deux enfants. Que vont-ils faire sans leur père ?

– Mais j’étais avec vous, ce matin, Gervaise, lorsque vous avez appris la nouvelle. J’ai assisté à toute la scène.

Madame Boche affiche un air triste et fatigué.

– Là, dit-elle, je vais laver mon appartement et faire le lit de ma fille, même si je suis épuisée. Je vais vous laisser, Gervaise, je dois m’occuper de mon logis.

Scène 13

Le bal chez Octave

Pendant ce temps, dans une belle et grande maison de Versailles.

La fête est un bal masqué. Dès son arrivée, la fille de madame Boche est conduite dans la salle de réception. Partout dans la salle, des tables débordent de nourriture. Tout le monde est masqué. Tout le monde danse avec tout le monde. Un orchestre interprète des valses connues de tous.

Mina rencontre un garçon de dix-sept ans. Il s’appelle Octave. Il est grand, mince avec les yeux bleus. Ces yeux pétillants ont attiré l’attention de la collégienne.

Octave lui plaît beaucoup. Le bal a été organisé à l’occasion des vingt-cinq ans de mariage de ses parents dans leur maison.

Tous les deux se présentent et, dès le début, ils se rapprochent.

La jeune fille est très heureuse de cette rencontre. Dans un petit coin de sa tête, elle est fière d’avoir pu voler le masque et la robe. Une robe assortie à son masque noir pailleté.

Mina s’amuse pendant plus d’une heure. Puis, il est temps pour elle de rentrer. Octave souhaite la raccompagner, mais elle ne veut point, car elle craint la réaction de sa mère.

Donc, Mina rentre seule chez elle.

Quelques jours plus tard, elle reverra ce jeune homme.

Scène 14

Au Lion d’Or

Deux mois plus tard…

Un jour comme les autres, Jeanne Boche se lève, fait sa toilette pour ensuite prendre son déjeuner. Elle est soudainement prise d’un nouveau vertige. Ce qui l’inquiète, car il s’avère que, depuis quelque temps, elle ne se sent pas bien. Elle a, de plus en plus, de vertiges et de maux de ventre.

Elle pense qu’elle a peut-être attrapé une maladie à force de manger trop de gras et beaucoup de fraises, donc elle part se renseigner chez un médecin.

Le médecin lui dit qu’elle a attrapé un ver solitaire.

* * *

Sur le trajet du retour, madame Boche passe devant le Lion d’Or. Elle aperçoit son mari installé au comptoir de ce cabaret. La nuit dernière, monsieur Boche n’est pas rentré. Il n’est revenu qu’au petit matin, avec un fort mal de tête. Il s’est réveillé dans une ruelle. Il a passé sa nuit à boire.

Madame Boche s’assoit à côté de lui et demande ce qu’il fait là.

Monsieur Boche lui répond qu’il est en pause.

Il se moque de moi, pense-t-elle.

Énervée, madame Boche l’accuse :

– Menteur ! Tu t’es arrêté de travailler pour boire !

– Je fais ce que je veux, répond son mari d’un air amusé.

– Ce n’est pas en buvant, essaye de le raisonner sa femme, que nos finances vont s’améliorer et que les dettes de ton atelier seront payées.

Dans le bar, tout le monde se moque de monsieur Boche. Vexé, il quitte le cabaret.

Préoccupée, la concierge part dans la mauvaise direction. Leur situation financière est catastrophique, et il ne fait rien pour l’améliorer !

Scène 15

Moments de doutes

Quelques heures plus tard, madame Boche rentre chez elle en claquant la porte. Son mari est assis à la table, triste. Il est pensif. Le regard absent, il essaye de se tenir bien droit.

Le visage de madame Boche vire au rouge.

– Sors de cette pièce, lui hurle-t-elle, toi avec tes bouteilles d’alcool, et pars chercher de l’argent !

– Je n’en ai pas envie ! crie-t-il plus fort qu’elle. J’en ai marre de toi ! Laisse-moi boire et va travailler toi-même !

Madame Boche manque de s’évanouir.

Mina rentre alors de l’école, découvrant son père dans un état lamentable et sa mère, très en colère. Elle comprend tout de suite.

La jeune fille va voir sa mère et lui dit :

– Calme-toi, maman.

Madame Boche décide de partir réfléchir. Elle se dit que si elle reste avec son mari, il passerait un mauvais quart d’heure. D’ailleurs, elle en a assez de le raisonner ! Il devrait arrêter de boire, mais elle sait qu’il ne le fera pas.

Pendant ce temps, Mina prend son père dans ses bras et le supplie d’arrêter de boire.

Scène 16

La fameuse maladie de madame Boche

Quelques semaines plus tard, madame Boche n’a toujours pas ses règles, ce qui l’inquiète. Elle se rend compte qu’elle mange beaucoup de fraises et de sucreries. De plus, elle prend énormément de poids.

De son côté, Mina se demande si sa mère va bien ! Elle se pose des questions, car sa mère n’aime pas les fraises.

Dans la matinée, après être allée au marché, madame Boche rejoint sa voisine, madame Antoinette, sur le pas de sa porte. Madame Antoinette est sa confidente. Elle est blanchisseuse.

Madame Boche a décidé de lui demander conseil. Elle explique ce qui lui arrive. Ses vertiges, sa gourmandise, son ventre qui grossit. Elle lui dit qu’elle s’inquiète.

Gênée, madame Antoinette lui répond que c’est la fatigue et le surmenage, puis elle la quitte, car elle part au travail.

La blanchisseuse a tout compris ! Elle est extrêmement gênée en découvrant la raison le problème : madame Boche est enceinte !

Cette voisine a la pensée judicieuse de garder le silence, car elle connaît les problèmes d’argent des Boche. Elle se demande comment ils font faire. Elle pense que cette venue au monde va aggraver leur situation. Le problème de la concierge sème le doute dans la tête de madame Antoinette qui se fait du souci pour l’avenir de cette famille.

Scène 17

Moments de tristesse familiale

La famille Boche devient de plus en plus pauvre.

La concierge est perdue. Elle reste assise tout le temps sur une chaise.

Son mari dort sur le sol au milieu des bouteilles d’alcool. Leur pièce est pourtant grande, mais elle est rendue étroite par l’amas de litrons vides qu’il ne cesse de boire. Il ne va plus à son atelier de couture. Il n’a pas l’air de penser à son travail et à l’argent. Son atelier s’approche de la faillite.

Je pense que si ça continue, se dit la concierge, nous nous retrouverons bientôt expulsés.

Sa fille de quinze ans l’aide à garder le moral, même si sa mère s’énerve beaucoup contre son père. Souvent, elle assiste à leurs disputes.

Lorsque Jeanne va au lavoir, Mina y va aussi pour lui tenir compagnie. Elles sont très fusionnelles et passent le plus de temps possible ensemble. Sans sa fille, la brave concierge serait anéantie.

Scène 18

Retour vers le passé

Mina et madame Boche se trouvent dans la cuisine. Pendant que Mina fait la vaisselle, Jeanne, assise sur sa chaise, raconte sa dure enfance.

Elle lui explique que son père était forgeron et sa mère boulangère. À quatre ans, elle est allée vivre chez son oncle, car ses parents ne s’occupaient plus d’elle.

Mina lui demande si elle était fille unique. Madame Boche soupire puis lui explique que lorsqu’elle est née, sa sœur avait déjà seize ans. Elle était prête à être mariée. Du coup, elle ne l’a pas accompagnée chez son oncle.

Jeanne ajoute qu’elle ne l’a plus revue depuis ce temps.

Mina lui pose sa dernière question : comment son père et elle se sont-ils rencontrés ?

Sa mère explique qu’à l’âge de quinze ans, elle était serveuse dans un restaurant pour que son oncle et elle puissent avoir une vie meilleure grâce à leurs salaires. Un jour, monsieur Boche était avec un ami assis à une table. Ce fut le coup de foudre dès le premier regard.

Madame Boche repense alors à ce temps où tout était beau, magique.

Scène 19

Retour vers le passé – II

C’était, il y a dix-sept ans au Café Gourmand, là où madame Boche travaillait. Monsieur Boche, accompagné d’un ami, passait devant le restaurant et ils décidèrent d’y boire un verre. Il commanda une bière et c’est elle qui le servit. Ils se sont regardés et ce fut tout de suite le coup de foudre.

Monsieur Boche décida de revenir encore et encore, mais sans jamais lui parler. Il n’osait pas.

Jeanne, elle, n’attendait que ça.

Cela a duré au moins quatre mois. Au bout de ces quatre mois, monsieur Boche s’est décidé enfin à lui parler…

…pour l’inviter au restaurant !

* * *

Le soir même, madame Boche se prépare. Trente minutes plus tard, son oncle l’appelle, car elle a de la visite.

Elle se rend à la porte et voit monsieur Boche. Il lui offre le bouquet de roses qu’il cachait derrière son dos.

Joyeuse, Jeanne le remercie pour ces fleurs.

* * *

Tous les deux se sont regardés fixement, se sont rapprochés doucement et ont fini par s’embrasser. Un an plus tard, Mina est née. Pendant de nombreuses années, ils ont été très heureux…

Madame Boche revient à elle, et voit son mari qui ronfle sur la table, avec une bouteille dans la main.

Il a encore trop bu.

Scène 20

Repas de famille entre monsieur et madame Boche

Durant un repas avec monsieur Boche, la concierge a de nouveau un malaise. Inquiet, son mari veut l’amener à l’hôpital.

Madame Boche l’ignore.

– Oh, mon Dieu ! Pas ça ! hurle -elle. Pas avec notre situation !

Monsieur Boche la questionne :

– Comment ça « pas ça » ? Que veux-tu dire ? Et qu’est-ce que cela a à voir avec notre situation ?

– Oui ! Cela a à voir avec notre situation !

Monsieur Boche est perdu :

– Mais qui a-t-il ?

Sa femme se désespère.

– Je ressens exactement les mêmes symptômes que lorsque nous avons eu Mina, découvre-t-elle enfin.

– Quoi ? Tu es enceinte ? Pas en ce moment, pas avec notre situation financière !

– C’est de ta faute si nous avons ces problèmes, réagit très mal madame Boche. Tu devrais t’en vouloir !

Mina était au lavoir, elle rentre à ce moment-là et voit ses parents qui se disputent, encore.

Aussitôt, elle pense que son père a bu. Mais, en écoutant ses parents, elle apprend qu’elle va voir un frère ou une sœur.

En colère contre sa mère, elle décide de rendre visite à Octave.

Scène 21

La fin d’une enfance

À six mois de grossesse, Jeanne demande à Mina si elle peut l’accompagner au lavoir. Mina accepte sans hésitation et lui prend le panier des bras, car elle ferait tout pour sa mère.

La jeune fille n’est plus en colère contre elle.

Mina se dit qu’au moins elle ne sera plus fille unique. Elle pourra apprendre ce qu’elle sait faire à sa petite sœur. Comme voler des robes pour aller au bal. Et si c’est un petit-frère, elle lui apprendra comment s’y prendre avec les filles.

Arrivées au lavoir, Mina pose le panier et va payer pour avoir de l’eau. Sa mère prépare le linge à laver quand Mina revient, la concierge est stressée.

– Ma fille, tu vas devoir arrêter l’école pour travailler, lui annonce madame Boche avec tristesse. En ce moment, tout va trop mal à la maison.

Sur son visage, on peut lire de la peur.

Sa fille change d’humeur. Frustrée, énervée, elle refuse.

– Non ! Je ne suis pas d’accord. J’aime trop l’école. Je ne vois pas pourquoi je devrais travailler. En plus, pour vous donner de l’argent.

– Je sais que cela n’est pas drôle ! s’exclame madame Boche, désespérée. Mais essaye de me comprendre. Ce n’est pas facile pour moi aussi. Ton père boit, son atelier est en faillite et nous risquons de nous retrouver à la rue.

Mina réfléchit. Elle ne veut pas que le bébé soit à la rue, ni voir sa mère triste.

– Bon, je veux bien faire un effort, accepte-t-elle. Parce que vous êtes mes parents et que je n’ai pas envie que vous ayez des embêtements…

– Oh ! Merci Mina ! Je ne te remercierai jamais assez !

Madame Boche a un grand sourire. Elle est soulagée. Elle est contente que sa fille accepte sa décision, malgré sa tristesse évidente de quitter l’école.

Et elle déclare :

– Même si un bébé arrive dans notre vie, tu restera ma fille, Mina, et je serai toujours là pour toi.

Scène 22

Les problèmes de Mina

Mina franchit la porte. Il est 23h36. Fatiguée de travailler, elle s’assoie sur le fauteuil et se met à pleurer.

Sa mère, touchée de voir sa fille triste, se précipite vers elle et lui demande :

– Qui a-t-il, ma petite ?

Mina lui répond qu’elle est désespérée, déprimée et très fatiguée. Elle explique que son travail de blanchisseuse est très dur.

Et puis, elle a assez, car elle est la plus jeune des travailleuses, et des blanchisseuses en profitent pour lui donner plus de travail. Sans trop lui dire directement, elle explique à sa mère qu’elle subit des violences au quotidien.

* * *

Le lendemain, Mina part au travail avec une boule au ventre. Sa mère la suit dans l’intention d’attraper sur le fait les blanchisseuses qui martyrisent sa fille.

Arrivée à la blanchisserie, madame Boche voit trois femmes qui maltraitent Mina. Elle entre dans une colère noire, prend un seau d’eau glacée et le verse sur les travailleuses. Puis elle les frappe avec le seau.

Ensuite, madame Boche prend sa fille pour retourner à leur maison.

Mais Mina refuse, car elle veut vraiment aider sa famille et elle n’abandonnera pas son travail à cause de ces femmes qui la martyrisent.

Dans la blanchisserie, l’ambiance sera tendue, mais la jeune fille tiendra le coup, pour ses parents.

Scène 23

Le premier baiser

Depuis plusieurs semaines, Mina rencontre souvent Octave.

Ce garçon finit par être son petit-ami, et Mina l’embrasse. C’est le tout premier baiser de sa vie. Il a lieu dans un moulin sur une montagne de sacs de blé.

Mina et Octave s’enlacent sous des nuages de farine.

Et Mina se sent pousser des ailes.

Désormais, elle a plus confiance en elle et voit un bel avenir avec Octave.

Elle décide de parler de lui à sa mère.

Scène 24

La révolte cauchemardesque de Mina

Mina est aux toilettes, énervée d’avoir eu des mauvaises notes. Ce sont les toilettes du Lion d’Or. De mauvaises odeurs lui piquent le nez. Derrière la porte, des clients qui ont trop bu vont et viennent pour se mettre de l’eau sur le visage.

Soudain, on frappe contre le mur.

Une voix fine, sortie de nulle part, lui demande si elle veut faire « le coup du siècle » : cambrioler une boulangerie, car le pain se fait rare ! Et il est cher !

– Bonjour, Mina, je m’appelle ABZ. C’est un nom de code.

– Bonjour, répond Mina d’une voix grave et méchante. Qu’est-ce que vous voulez ?

– Tu as quinze ans, tu es petite et fine, tout pour m’aider, si tu le veux ! En échange, trois baguettes de pain te seront offertes.

– Tu es donc mon ami ?!!

La pauvre fille de quinze ans n’a pas d’amis. Elle a aussi une mauvaise moyenne à l’école et une famille pauvre. Tout pour être naïve.

– Bien sûr que oui ! J’ai mes dix-sept ans le mois prochain. Alors ? Tu fais le coup avec nous ?

– D’accord. Quel est ton prénom ?

– Octave.

– Ravi de te connaître, Octave.

Ce que Mina ne sait pas c’est que cet Octave se sert d’elle pour faire vivre sa famille.

– Rendez-vous dans une heure à l’Arc de Triomphe, il y aura des chenapans avec des masques.

Madame Boche se réveille brusquement. Elle se redresse sur son lit. Encore un cauchemar !

Elle se lève et découvre que sa fille n’est pas là. Elle s’affole et s’agite dans toute sa maison en criant :

– Mina ! Mina ! Mina ! Ma fille !

Mais sa fille travaille, voilà pourquoi elle est absente.

La concierge court à toute allure vers la blanchisserie et y retrouve Mina. Heureuse, elle l’autorise à continuer de fréquenter Octave. C’est un bon garçon et il est très charmant !

Finalement, elle convainc sa fille qu’il faut qu’elle persuade Octave de les aider financièrement !

Scène finale

Vers un nouveau départ !!

La situation financière de la famille Boche s’est arrangée un peu grâce à l’argent que ramène Mina.

Un jour, cette dernière est interpellée par sa patronne. Elle lui dit que sa mère va accoucher. Mina va chercher Octave puis se rend chez elle et découvre le visage de son petit frère : Paul.

Mina profite de ce bon moment pour annoncer son mariage avec Octave.

Monsieur Boche, lui, leur annonce qu’il a perdu son atelier, mais il dévoile que la famille du jeune homme payera toutes ses dettes.

D’ailleurs, les parents d’Octave les ont invités à vivre chez eux.

Madame Boche veut fêter ça, mais monsieur Boche refuse…

… à la grande surprise de madame Boche, il leur dit qu’il refuse désormais de toucher à une seule goutte d’alcool.